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Rive droite 1829
La prison de Pontaniou et le Bâtiment
aux lions (vue du plateau des Capucins 2004)
Photos Karine Guillon
...
« Presqu'aussi efficacement isolé vers l'ouest, par
la voie automobile que par un rempart, Recouvrance est strictement séparé
de l'arsenal et des terrains militaires.
Les hauts murs de moellons disparates développent une clôture
ininterrompue de la Pointe jusqu'à Quéliverzan. Rien n'est
plus instructif que de la suivre un instant, rue de la Tour ou rue de
l'Église, et de relever les rapiéçages, les réemplois,
les différences de matériau (les granites gris et rose,
le gneiss dominant, la pierre jaune de l'Ile Longue), de noter aussi
les compléments dissuasifs que sont les barbelés, les
barrages électriques, les grilles hérissées, les
casemates épaulant les rares portes.
La rue Saint Malo -vestiges du patrimoine
populaire des XVIIIème
et XIXème siècles
Oui, le quartier reste dans ses limites étroites de jadis. Sans
doute tenons-nous une des clefs de son caractère. Éclairant
cette permanence, une remarque, écrite il y a près de
cent cinquante ans, reste d'actualité : «Tout.est envahi
par la marine et par l'armée ». Cela se vérifie,
de la caserne de la Gendarmerie maritime au sud jusqu'au bâtiments
récents, loin vers le nord, où se prépare la guerre
des mines. Comme jadis, l'essentiel se tient au ras de l'eau, sur la
rive de la Penfeld, depuis les bâtiments volumineux de l'artillerie
navale jusqu'aux ateliers du Salou, en passant par la Direction des
constructions et armes navales, au pied du plateau.
Comme jadis, demeurent de plain pied avec la ville civile deux établissements
importants et actifs : Proche du pont, la Caserne des marins et au-delà
de Pontaniou, les ateliers des Capucins, sans parler du fragment de
l'austère Caserne Kervéguen qu'occupe la Sécurité
Militaire.
Plan-relief de Brest Recouvrance - 1810
Le plateau des Capucins et son monastère, la prison de Pontaniou,
la caserne du 2ème dépôt, et les bâtiments
militaires des rives de la Penfeld
Ainsi , la
vie de tout Recouvrance reste rythmée par les horaires, par les
bruits, par les activités de la Marine. Au flots majeurs que
canalisent les portes Jean Bart et Caffarelli, s'ajoutent des vagues
brèves : Ici, rue de Pontaniou, à l'entrée ou à
la sortie de l'Arsenal et là, place Jean Bart, devant la caserne
des marins, à l'heure des permissionnaires. Assurément,
cette modeste caserne n'a rien de comparable à l'immense dépôt
des équipages de la flotte où l'on pouvait au XIXème
siècle, loger et équiper trois mille deux cents matelots.
Et ses bâtiments parallèles n'ont guère de parenté
avec les constructins à l'angle droit, d'environ cent vingt mètres
de long qu'éléva CHOQUET DE LINDU en 1766 et que TROTTÉ
DE LA ROCHE surhaussa de deux étages vers 1842-46. Le nom de
Cayenne s'en est perdu : Lui qui rappelait sans doute l'échec
de la colonisation en Guyane et le rapatriement des troupes après
le désastre de Kourou(1763). Mais son espace marque encore le
quartier car un jardin public, où s'affrontent les boulistes
et s'amusent les enfants, occupe l'essentiel de l'ancienne cour. Si
la fonction s'est modifiée, le deuxième dépôt
habite toujours les mémoires.
gravure plateau des Capucins 1865
Plus impressionnants sont les ateliers des Capucins qui bloquent le
quartier au nord. L'appellation ramène à un ancien couvent
acheté par Louis XVI, juste à la veille de la Révolution
et attribué à la Marine en 1791. Leur développement
fut en rapport direct avec la mutation décisive après
1840, lorsque l'on passa lentement du bois au fer, pour la construction
et de la voile à la vapeur, pour la propulsion. Le couvent, les
jardins, le parc firent place à trois grandes halles parallèles
de cent cinquante mètres de long et seize de large, jointes par
des annexes à peine plus basses. Bref, on couvrit, entre 1858
et 1864, deux hectares et demi. « Établissement grandiose »,
que l'on croyait en 1866, « sans rival en Europe ».
Ces ateliers géants que l'Empire destinait à la construction
des machines, continuent, cent trente ans plus tard, à dominer
le plateau, vingt cinq mètres au dessus du quai. Et la porte
unique du Carpon, à lier la Ville et l'Arsenal...
Ces quelques exemples actuels établissent sans conteste que les
mobiles qui poussèrent à la création du quartier
sont les mêmes qui guidèrent son développement,
le même encore qui le font vivre aujourd'hui. Oui, dans son espace
comme dans sa raison d'être, Recouvrance est le quartier de la
pérennité ... »
Extrait
du livre « RECOUVRANCE » par « les
Amis de Recouvrance » 1988,
chapitre « Permanence et renouveau » écrit
par René LE BIHAN, ancien conservateur du musée de Brest,
pages 174-175.
...
...
« Le circuit est achevé ; parti de la Marine , on
y revient.
Le constater, c'est saisir au coeur la différence entre Recouvrance
et les autres noyaux anciens de l'agglomération, qu'il s'agisse
de Saint-Martin, autour de l'église et de la Place Guérin,
ou bien de Saint-Michel et de la Place Sanquer.
Tous deux furent crées sous le second empire - l'annexion de
1861-au temps même où la rive droite prenait la forme dense
qui est depuis la sienne, mais tous deux vivent au rythme, si boiteux
qu'il puisse être, de l'activité civile.
Rien d'analogue entre le Carpon et la Pointe.
Si demain, les quais et les bassins de Lanninon s'animent de la construction
du porte-avions à propulsion nucléaire puis de quelques
bâtiments nécessaires, le quartier connaîtra un renouveau
de population et de services. Le moteur principal de la renaissance
après-guerre ne fut-il pas la décision, prise en 1946,
de refondre et d'achever le cuirassé Jean Bart ? En 1932, l'écrivain
Jakez Riou, qui en connaissait les milles recoins, affirmait : « Recouvrance,
c'est l'escadre... profit de toute la cité » .
Cela est toujours vrai : Peu d'endroits, où le lien se révèle,
aussi durable entre un quartier – à la suite la communauté
entière- et les activités variées de la Marine
Nationale.
Que l'on sonde l'avenir ou que l'on regarde le passé, il n'est
d'autre alternative.
On comprend aussi la décision de Jo Gentil, conseiller délégué
à la Culture, de rebaptiser Mac Orlan le vieux cinéma
Paris, que la municipalité précédente avait acquis
et rénové (1982).
« L'ancre de miséricorde », pour romanesque
qu'elle soit, et les gabiers se sont, aux cahots de deux siècles,
transformés en sous-marins nucléaires et en veilleurs
tous temps.
L'intimité avec la vague s'est éloignée, l'échange
avec la brise a disparu, remplacés par la détection lointaine
et l'attention aux cadrans. Mais le rêve est vivace, celui du
départ et de l'aventure, celui du retour et du plaisir.
La réalité suit : Bruits nocturnes et éclats de
voix, voitures alignées et volets ouverts sont signes invariants.
Les hommes passent, les faits persistent.
On l'a compris,
RECOUVRANCE n'est pas un lieu parmi d'autres ; C'est un symbole.
Aussi importe-il qu'il conserve entière sa spécificité,
qu'il échappe à la répétition technicienne
; aussi importe-il qu'il s'oriente vers l'avenir, qu'il saisisse les
chances de la modernité. L'image de Recouvrance ne peut se figer
; Elle doit s'enrichir du futur afin de demeurer lisible, partout identifiable.
La symbolique d'une ville dépasse certes les contraintes d'un
moment ou les rigueurs d'une décennie. Mais elle peut se durcir
et se briser sous les mauvais traitements.
A l'inverse, elle s'épanouit lorsque la clairvoyance des élus,
le savoir-faire des aménageurs, la participation des habitants
se lient pour réaliser des projets adaptés dont un élément
– ici, une ligne de verdure, là un signal lumineux, plus
loin un emblème audacieux- prend valeur universelle et porte
alors l'image locale jusqu'aux limites du monde. »
René LE BIHAN, ancien conservateur du musée de Brest.
Extrait du livre « RECOUVRANCE » par « les
Amis de Recouvrance » 1988,
chapitre « Permanence et renouveau » page 188
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Films
d'archives US National - BREST 44
Les hommes
de la 29 ème division d'infanterie américaine ont chassé
les derniers ilots de résistance allemande à l'ouest de
Brest.
Men of the
29th Infantry Division are mopping up last pockets of German resistance
west of Brest. After reducing strongholds in the St Pierre area, U.S.
troops enter the outskirts of the city in Recouvrance.
Source:
1944 AMERICANS IN BRITTANY - THE BATTLE FOR BREST by Jonathan Gawne
(Histoire & Collections).
~se
promener sur les photos~
RUE SAINT MALO
RUE SAINT MALO-Photo de Karine Guillon 2012
Pavés
de la Rue Saint Malo
RUE DE LA SOURCE
Il
n'y a pas si longtemps,
l'angle de la Rue de la source et de la rue abbé Rochon, les
immeubles qui abritaient le bar des Yannicks et un autre commerce ont
été rasés pour laisser place à
...
Image
: Les immeubles et le bar des Yannicks 1987, photo Jean Moreau / Image
survolée : le plan relief 1810 de Brest
... une pelouse, un emplacement de containers tri-point sélectif,
et offre une vue sur les ateliers des Capucins désertés
en 2004 sur le plateau de 12 hectares qui fait l'objet d'un immense projet
immobilier qui verra le jour en 2016.
MAISON DU 16 RUE LARS
une ancienne maison de maître dont l'entrée est surmontée
du blason en kersantite du maître-serrurier Charles Bruslé,
caractérisé, notamment par la présence d'un compas,
d'une clef et d'une équerre taillés dans la pierre. La
sculpture est datée de 1759. Au fond de la cour « un puits
taillé et percé dans le roc », indispensable car
les points d'eau de la ville n'étaient pas assez nombreux à
l'époque .
RUE QUARTIER MAITRE BONDON
Un
paté de maison, rasé au milieu des années 1990,
entre la rue caserne des marins et la rue Quartier Maître Bondon,
tout près du Pont de Recouvrance, au grand désespoir de
Marie-Odile, dernière habitante et tenancière du bar-tabac-crêperie
ouvert du soir jusqu'à l'aube.
(Photo de Jean Moreau 1987)
Merci
à Jacques Coat de nous transmettre cette photo
de sa mère et de sa grand-mère datant de 1926-1927
1916-1917
1 bis rue Quartier-Maître Bondon
Famille Le Bihan cordonniers au rez de chaussée et Jaffréo à l’étage
(Merci à Pierre-Yvon Fustec pour l'envoi de cette photographie)
Brest-Recouvrance - Rue Quartier-Maître Bondon
RUE BORDA
Les
nombreux commerces, bars et restaurants réputés pour leurs
vies animées et nocturnes depuis quelques siècles, Rue
Borda et Rue Vauban ont quasiment tous fermé dans la dernière
décennie, et les devantures disparaissent pour être transformés
en logement
(Photo de Jean Moreau 1987)
Depuis
les Opérations Programmées pour l'Amélioration
de l'Habitat et autres Opérations de Renouvellement Urbain lancés
depuis les années 80, les anciens quartiers de Brest et de Recouvrance
changent et changeront inexorablement de visages dans les prochaines
années. Dommage que les ilots de constructions modernes démesurés
défigurent ses quartiers, déplacent des populations souvent
défavorisées vers les grands ensembles immobiliers des
ZUP construites pour loger les ouvriers et travailleurs étrangers
invités à immigrer pour la reconstruction de la France
d'après guerre entre 1959 et 1967
La
radicalisation de ce nouvel urbanisme pourrait bien faire perdre leur
âme à ces quartiers populaires empreints d'histoire ...
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